Quand la nature donne le tempo 🍂

Retour sur une semaine au coeur de la recherche française en phénologie

Chaque automne, la nature se transforme, et avec elle, la vie des chercheurs et chercheuses du CREA Mont-Blanc. L’automne signe les dernières journées de terrain, et le retour aux analyses, aux bilans et aux temps collectifs pour mettre en commun les réflexions. Cette année, du 13 au 17 octobre, nous nous sommes rendus à Toulouse pour la semaine TEMPO, le grand rendez-vous du réseau national d’observatoires de la Phénologie. On revient avec vous dans cet article sur les temps forts de cette semaine riche de partages et d’apprentissages, qui nous confortent, s’il le fallait, sur l’intérêt d’avoir des programmes de sciences participatives comme Phénoclim.

« C’est passionnant et pousse Ă  observer des choses auxquelles on ne faisait pas attention auparavant. » TĂ©moignage d’un participant du programme de science participative Observatoire des Saisons (cousin en plaine de notre programme PhĂ©noclim).

TEMPO, c’est un réseau de quelque 300 scientifiques et près de 100 structures unies par une même mission : observer, comprendre et prédire les effets du climat sur la phénologie, c’est-à-dire le calendrier naturel des événements biologiques — floraisons, migrations, débourrements ou sénescence. Le CREA Mont-Blanc y contribue activement, en apportant sa connaissance fine des écosystèmes de montagne, catalyseurs des changements observés (le changement climatique touche deux à trois fois plus rapidement les grands massifs montagneux que le reste de la planète), et son expérience des sciences participatives. Lors de cette semaine toulousaine, Colin Van Reeth, Ninon Fontaine et Océane Anty ont rejoint nos collègues du réseau pour une série d’ateliers, de conférences et d’échanges.

Pour observer le dĂ©calage de la sĂ©nescence dans le temps (la date Ă  laquelle les feuilles changent de couleurs), il faut observer, et recenser le moment oĂą on observe le changement. Cependant, observer les couleurs d’automne n’est pas si simple qu’il y paraĂ®t : les perceptions peuvent grandement varier d’un individu Ă  l’autre. Pour pallier ce problème, une nouvelle palette de rĂ©fĂ©rence colorimĂ©trique, conçue par Catherine Massonnet (ChargĂ©e de Recherches Ă  l’INRAE de Champenoux) et Fabrice Bonne (Technicien Ă  l’INRAE de Champenoux), a Ă©tĂ© mise en place pour aider Ă  mieux identifier les seuils de dĂ©coloration des feuilles. 

Palette colorimétrique conçue par Catherine Massonnet et Fabrice Bonne. S1 correspond au Seuil 1 (perte de 50% de chlorophylle), S2 au Seuil 2 (perte de 100% de chlorophylle).

Un outil essentiel pour réduire ce qu’on appelle le biais observateur : même entre expert(e)s, chacun(e) voit un peu différemment la même nuance de jaune ou de vert. Ces biais d’observation, qui induisent une plus grande incertitude sur l’identification du moment où on dépasse le seuil de décoloration, justifient le besoin d’avoir des outils communs et/ou une grande quantité de données… d’où votre importance, à vous aussi, observateurs et observatrices en sciences participatives !

De ces échanges sur la sénescence sont ressortis deux conseils qui nous semblent utiles pour toutes celles et ceux qui suivent des arbres dans le cadre de notre programme Phénoclim :

🌿 Anticipez vos observations : passez voir votre arbre en été pour repérer les branches mortes des années précédentes (à ne pas comptabiliser dans vos observations de sénescence).
🌳 Variez les angles de vue : la lumière ou l’orientation peuvent vraiment influencer votre perception des couleurs.

Observer, c’est donc aussi apprendre à connaître son arbre, à reconnaître ses variations naturelles… et à accepter la subjectivité du regard.

La semaine a également été rythmée par des conférences : une véritable immersion dans la recherche phénologique française, entre modèles, expérimentations, caméras, drones et sciences participatives.

Côté CREA Mont-Blanc, deux projets ont été présentés :

SoPheno (présenté par Ninon Fontaine) : lancé en 2024, ce projet explore la phénologie des écosystèmes de montagne, notamment à travers la myrtille et ses pollinisateurs, les bourdons, des indicateurs sensibles du changement climatique. S’appuyant sur les données de nos programmes de science participative, SoPheno croise écologie et sociologie pour comprendre à la fois comment le climat perturbe la synchronisation entre floraison et pollinisation, et comment ces évolutions sont perçues par les observateurs et observatrices impliqués.

Aux Arbres Citoyens ! (présenté par Colin Van Reeth) : ce programme de sciences participatives invite le grand public à suivre l’évolution des arbres au fil des saisons d’une manière collaborative : un même arbre peut être observé par plusieurs personnes, à la différence de notre programme Phénoclim où chaque participant renseigne ses propres arbres. Une manière concrète d’impliquer chacun et chacune dans la recherche sur l’impact des changements climatiques.

Quelques faits marquants qui ont capté notre attention et attisé notre curiosité durant les différentes conférences :

  • Les donnĂ©es phĂ©nologiques sont indispensables pour calibrer les modèles — sans elles, impossible de prĂ©dire correctement les rĂ©ponses des organismes au climat.
  • Les camĂ©ras d’observation de la phĂ©nologie “PhĂ©noCam” permettent de dĂ©tecter le dĂ©bourrement des feuilles avec seulement 2 Ă  3 jours d’écart par rapport aux observations humaines… mais peinent encore Ă  bien saisir la sĂ©nescence. Les outils technologiques sont prĂ©cieux mais ne sont pas encore prĂŞts Ă  remplacer nos fidèles observateurs !
  • La phĂ©nologie du bourgeon rĂ©vèle un monde miniature : la tempĂ©rature Ă  l’intĂ©rieur d’un bourgeon diffère sensiblement de celle de l’air : plus chaude le jour, plus froide la nuit. Un paramètre clĂ© pour comprendre le dĂ©clenchement du dĂ©bourrement.
  • Pour finir, un petit fait historique : la première donnĂ©e phĂ©nologique connue en France remonte Ă  1347, avec la première date de vendange !

Les derniers jours de la semaine ont été consacrés aux ateliers et à la réflexion collective sur l’avenir du réseau.
Comment mieux mutualiser les images et données récoltées sur le terrain ? Comment intégrer les anomalies phénologiques, de plus en plus fréquentes ? Et surtout, comment rapprocher davantage scientifiques, citoyennes et citoyens ?
Autant de défis qui guideront les prochaines années du réseau TEMPO.

Nous espérons que cette immersion dans une semaine riche d’apprentissage vous a inspiré et convaincu que la phénologie est une science fascinante, qui permet de mieux comprendre le monde qui nous entoure. Observer un arbre, c’est finalement prêter attention à une lente respiration du monde. Et quand la nature donne le tempo, à nous de l’écouter — avec rigueur, curiosité et émerveillement…

Et ce sont les participant.e.s des programmes de sciences participatives qui en parlent le mieux ! Voici quelques témoignages des observateur.ices de l’Observatoire des Saisons (ODS) partagés durant cette semaine :

“C’est passionnant et pousse à observer des choses auxquelles on ne faisait pas attention auparavant.”

“Participer à ODS m’a donné envie de prendre le temps de regarder et observer les habitants végétaux de mon jardin. Aujourd’hui j’aime à mieux comprendre comment ils vivent face au climat que nous partageons.”

“Cela permet de se sentir moins seul, de réduire son sentiment d’impuissance face aux enjeux environnementaux.”

Vous aussi, contribuez Ă  une Ă©coute quotidienne du vivant aux cĂ´tĂ©s de nos bĂ©nĂ©voles, et aidez nous Ă  comprendre comment la montagne change, et comment nous pouvons, collectivement, rester Ă  son rythme : rejoignez notre programme PhĂ©noclim (disponible sur notre plateforme SPOT) ! 

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