La recette d’enquête en trois temps pour une plateforme à point

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Pionnier de la science participative, le CREA Mont-Blanc porte un projet de plateforme numérique qui rassemblerait au sein d’une même interface l’ensemble de ses actions participatives auxquelles les citoyens peuvent contribuer. Afin de nous rapprocher au plus près des besoins et souhaits des futurs utilisateurs, notre objectif était de les inclure le plus tôt possible dans le processus de création de cette plateforme. Nous avions déjà eu vent de certains retours de la part de nos fidèles Phénoclimeurs, cependant cette plateforme étant destinée à l’utilisation d’un plus vaste public, il était important d’interroger une grande diversité de potentiels utilisateurs. Nous voilà donc lancés dans une saison d’été placée sous le signe des échanges qui mèneront à la plateforme parfaite! 

Première étape : cadrer le contenu de l’enquête 

Avant de démarrer les entretiens, il nous fallait cadrer le contenu de ces derniers. Pour cela, notre équipe a été épaulée par Margot Janvier et Laura Millot de l’agence d’innovation responsable MAOBI et de Kévin Vennitti, designer d’expériences numériques. Dans le cadre d’un mécénat de compétences offert au CREA Mont-Blanc, ils nous ont aidés à construire un guide d’entretien sur lequel s’appuyer pour mener à bien les différents échanges. Un guide d’entretien comporte l’ensemble des questions et points que l’on souhaite aborder, il s’agit surtout d’un support qui permet de structurer l’échange et prévenir les oublis. 

Pour cette enquête, nous souhaitions nous adresser plus particulièrement à trois profils d’utilisateurs : les professionnels de la nature (AMM, …), les personnes de passage dans le massif du Mont-Blanc et enfin les locaux d’un massif de montagne. Ainsi, nous avons produit des guides d’entretiens différents qui comportaient  chacun  des questions adaptées à chaque catégorie d’utilisateur pour éviter de poser des questions hors contexte. 

En route vers l’étape 2 :  réaliser les entretiens

Entre juin et août 2022, l’objectif était d’interroger un maximum de personnes de chaque catégorie. Au total, nous avons réalisé 24 entretiens au cours desquels une trentaine de personnes ont répondu à nos questions (plusieurs personnes d’une même famille ont souvent participé à un même entretien). Les échanges ont été menés en présentiel dans les locaux du CREA, en visio-conférence ou au refuge du Plan de l’Aiguille (Chamonix). Chaque entretien a duré entre 20 minutes et une heure selon la disponibilité et l’intérêt des participants. Les échanges portaient sur la science participative de façon générale, puis sur leur attrait et leur représentation de la montagne et enfin sur les fonctionnalités pressenties pour la future plateforme. Le format de l’entretien était volontairement assez libre pour permettre à chacun d’exprimer et proposer ses idées. 

Matériel utilisé pour les enquêtes : des fiches à compléter avec le guide d’entretien, un carnet pour des notes supplémentaires, un stylo, un ordinateur pour enregistrer les entretiens si nécessaire et analyser les données.

Étape 3 : analyser le tout 

Cette dernière étape est cruciale puisque celle qui permet de faire ressortir les tendances et consensus perçues lors des entretiens. En août, la concentration était maximale pour réaliser l’analyse des données/avis récoltés au cours de l’ensemble des entretiens. Il a d’abord fallu trier les différents éléments pour pouvoir les classer. L’objectif étant d’aboutir à une classification des différentes fonctionnalités afin de faire ressortir celles qui étaient le plus appréciées et utiles. 

Les fonctionnalités à intégrer absolument sont : 

  • faire apparaître d’une façon distinctive sur la plateforme les actions qui ont besoin d’être réalisées en priorité  (les personnes ont indiqué que non seulement cela pouvait s’avérer très utile lorsque l’on débute et ne sait pas par quel programme commencer mais aussi qu’il y avait un aspect valorisant pour le participant car sa participation répondait à un besoin direct) 
  • faciliter la communication entres les participants afin qu’ils puissent se rencontrer et échanger entre eux (il semble en effet y avoir une grosse attente sur ce point puisqu’à plusieurs reprises cela a été évoqué, notamment pour permettre aux personnes souhaitant améliorer leur connaissance naturaliste de rentrer en contact plus facilement pour prévoir des sorties terrain)   
  • donner la possibilité de continuer à suivre l’évolution d’un objet d’étude (un attachement et intérêt à connaître l’évolution d’un lieu ou d’un arbre naît pour certains)
  • poser le contexte scientifique du projet et faire un retour sur les résultats (plusieurs personnes ont insisté sur le fait qu’il leur paraît essentiel de comprendre pourquoi ils le font et d’apprendre en retour, d’avoir des meilleures connaissances car un point commun que l’on retrouve chez nombre d’entre eux est leur grande curiosité) 
  • permettre aux participants d’annoter les protocoles à suivre pour faciliter sa compréhension et sa prise en main pour les autres (toutefois ils insistent sur le besoin de modération afin que ce qui est visible par tous soit valable et dans l’intérêt général). 

D’autres fonctionnalités sont à éviter car peu appréciées par les participants. C’est le cas par exemple du système de statut qui permettrait une évolution des qualifications des participants. Si certains trouvent cela stimulant car se rapprochant des niveaux à passer dans les jeux, d’autres le déplorent car justement trop calqué sur un modèle de ludification où l’on pousserait les gens à concourir entre eux. L’enjeu ici est de trouver des compromis pour stimuler les personnes sans les accabler dans un système de comparaison qui introduirait de la compétition au sein de la communauté de participants. 

« On fait partie d’un tout, c’est dommage de créer des individualités car à la base on le fait si on a envie de le faire » Pascal N.

Comment avions-nous identifié l’ensemble des pistes de fonctionnalités ? Elles ont été pensées selon quatre leviers à mobiliser pour que l’expérience utilisateur proposée via cette plateforme soit fluide et attrayante. Les leviers d’engagement étaient les suivants : influence sociale (le besoin d’être connecté aux autres, de collaborer, d’échanger), immersion (le besoin de s’immerger et se projeter dans un autre monde), sens (le besoin de faire partie de quelque chose de plus grand que soi, de donner un sens épique), créativité et autonomie (le besoin d’exprimer ses choix, sa personnalité). L’analyse montre que les fonctionnalités à intégrer sont bien réparties sur ces quatres leviers puisqu’il y en a au moins une sélectionnée par levier. Le levier “sens” semble cependant prédominer puisque deux fonctionnalités sont à intégrer absolument.  

Plus généralement sur le projet de plateforme, plus d’une personne interrogée sur quatre a insisté sur l’importance d’avoir une plateforme intuitive et facile d’utilisation, avec une navigation claire et simple. Ils ont aussi insisté sur la nécessité d’utiliser un vocabulaire qui soit accessible même pour les plus novices afin de les mettre en confiance.  Un autre aspect qui est également ressorti est de concrétiser ces participations virtuelles par des restitutions ou autres événements en présentiel pour que les connaissances et avancées des projets soient partagées avec le grand public. 

Enfin, qu’ils aient déjà participé ou non à un programme de science participative, plusieurs personnes ont évoqué qu’il fallait faire preuve de prudence, manifestant leur inquiétude vis-à-vis de la dégradation et du dérangement pour la faune et la flore que cela pourrait engendrer. de la sur-fréquentation,

« on voudrait tous faire pleins de trucs mais on manque de temps, le temps de regarder, donc là le challenge c’est de donner des infos sans en mettre trop, savoir se restreindre pour faire passer des infos certes en petite quantité mais qui impactent. C’est peut-être ça le plus gros travail, […] de le rendre claire et simple pour ne pas perdre le public, réussir à faire un truc qui soit efficace » Evéa 

La suggestion du chef 

Au cours des entretiens, les participants ont fait émerger plusieurs idées de fonctionnalités. Plusieurs d’entre elles vont être intégrer à la plateforme finale comme par exemple une carte interactive qui permet de se géolocaliser et repérer  à quel programme on peut contribuer autour de soi mais aussi un agenda qui permet d’annoncer les prochains événements qui pourraient intéresser la communauté d’utilisateurs (sortie à thème, Science Sandwich, …). Concernant tout particulièrement les Phénoclimeurs, il sera possible à partir de la future plateforme de bénéficier d’un système de rappel pour démarrer ses observations à chaque stade et en fonction de l’espèce suivie et de saisir plusieurs observations à la suite en une seule fois.

Merci à Patrick, Sylvie, Gilles, Etienne, Pierre, Diane et ses parents, Sandrine S., Claude, Simone, Pascal, Alex, Sandrine G., Stéphane, Cécile, Evéa, Christian, Perrine, Steven, Isabelle D. et son mari, Josiane, Béatrice, Isabelle C. et son mari, Christine, Costina, Maëva, Émilie, Aurélien. Merci à vous de nous avoir accordé un peu de votre temps au milieu de votre randonnée ou de vos emplois du temps d’été chargés pour participer à cette enquête.

  1. Givaudan Christine

    Cette nouvelle plate-forme me paraît très intéressante.
    Je faisais partie des membres de Phénoclim mais mo n portable ayant subi des dommages irrésistibles, j’ai perdu toutes mes données !

    Prête à reprendre le flambeau dans le Sud des Hautes-Alpes. 😁

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