On ne vous présente plus ce programme emblématique du CREA Mont-Blanc. Il donne rendez-vous chaque saison à des centaines d’observateurs assidus pour noter les dates de débourrement, floraison et autres événements phénologiques de la flore de nos montagnes. Avant d’entamer la reprise des observations au printemps à venir, nous souhaitions profiter de cet intervalle de temps pour se remémorer la saison 2022 à travers quelques chiffres et vous partager l’expérience de Marie-Geneviève et de Nicole, deux phénoclimeuses respectivement depuis 2006 et 2021.
Plus de phénoclimeurs rime avec plus d’observations ?
Durant l’année qui vient de s’écouler, la communauté des Phénoclimeurs n’a eu cesse de grandir. En effet, nous avons accueilli 141 nouveaux inscrits sur les 678 participants depuis le lancement. Petit bémol cependant car seule la moitié de ces 141 nouveaux observateurs ont poussé la démarche jusqu’à créer leur zone observation. Cela met en lumière la nécessité d’accompagner les novices pas à pas et les guider de l’inscription jusqu’à l’observation sur le terrain. C’est aussi pour cela qu’avec la mise en place prochainement de la plateforme SPOT, nous souhaitons intégrer davantage cet esprit de communauté. Ceci nous permettra plus facilement de venir directement en aide aux participants, leur donner un coup de pouce pour qu’il gagne en confiance et permettre aussi de générer une entraide entre les participants eux-mêmes.
En parallèle, deux nouveaux relais, l’association Forêts Alpines et la Maison de la Météo et du Climat des Alpes du Sud sont venus agrandir la famille des partenaires qui diffusent Phénoclim auprès du grand public. Nos partenaires relais sont des acteurs essentiels qui grâce à leur élan contribuent au rayonnement du programme dans les Alpes et au-delà dans les autres massifs montagneux.
Que dire du nombre d’observations alors ? Au total cette année c’est près de 3 000 observations qui ont été faites printemps et automne confondus. Ces dernières ont été réalisées par des particuliers dans leur jardin ou aux alentours de chez eux, par des professionnels de la nature dans des parcs naturels ou des réserves, ou encore par des scolaires suivant des arbres à proximité de leur cour d’école. L’ensemble de ces observations étaient réparties sur environ 150 sites regroupant à chaque fois plusieurs arbres de plusieurs espèces. Et en parlant d’espèce, on retrouve en tête au printemps le noisetier comme étant l’espèce la plus observée, suivi de près par le frêne et le bouleau verruqueux. À l’automne, la tendance s’inverse avec le bouleau verruqueux qui prend la première place. Pour tout connaître des observations de printemps et d’automne, n’hésitez pas à consulter les bilans de saison publiés sur le site.
Associé à ces observations phénologiques, Phénoclim présente tout un réseau de stations météo déployé à travers les Alpes. Il y a quelques temps nous vous parlions dans un article de blog de l’évaluation de ce dispositif. Cette étude a abouti en 2022 à une publication scientifique dans la revue Frontiers in Earth Science, ce qui porte au nombre de six le total d’articles scientifiques parus à partir des données du programme.
Qu’en disent les phénoclimeurs ?
Au-delà des chiffres, la fin d’année était aussi l’occasion de nous rapprocher des participants pour qu’ils nous partagent leur expérience. Marie-Geneviève, garde monitrice au Parc National des Écrins sur le secteur de Vallouise et Nicole, architecte basée dans la vallée de Chamonix se sont prêtées au jeu pour apporter leur regard. Si toutes deux partagent certaines réflexions comme par exemple l’intérêt évident d’un tel programme, elles ont également chacune apporté leurs suggestions pour le perfectionner.
Nicole qui participe à Phénoclim depuis 2021 a souligné l’importance d’avoir davantage d’accompagnement lorsque l’on s’inscrit : « Quand il y a un débutant, il faut le suivre au début, suivre si il ou elle a réussi à déterminer ses arbres. Moi il y avait un arbre trop jeune donc si j’avais découvert ça plus tôt j’aurais pu changer directement. J’ai pris un peu de temps aussi pour déterminer les arbres, j’ai eu des doutes à certains moments ». Cela rejoint ce que l’on présentait dans le paragraphe précédent et qui s’avère spécialement important pour les particuliers comme Nicole. Il faut accompagner l’observateur novice à chaque étape du protocole dans les premiers temps pour le rassurer, le mettre en confiance et lui montrer la bonne démarche à suivre. Pour aller dans ce sens, nous avions déjà mis en place des permanences mensuelles par visio-conférence chaque premier vendredi du mois. Cependant, cette formule doit être reconsidérée car peu de personnes y ont assisté. Nous sommes en ce moment même en pleine réflexion au sein de l’équipe sur les différents moyens d’accompagner les participants afin de définir ce qui serait le plus adapté (toute idée est d’ailleurs la bienvenue, alors n’hésitez pas à nous donner votre avis par mail à l’adresse phenoclim@creamontblanc.org).
Dans le même sens, Marie-Geneviève qui participe à Phénoclim depuis 2006 (soit quasiment depuis les débuts du programme) dans le cadre de ses missions de garde monitrice au Parc National des Écrins a évoqué le souhait de partager, échanger davantage avec la communauté des autres observateurs : « Si j’avais pu partager par le biais d’un forum ou autre, c’est peut-être même encore plus sympa pour les particuliers qui peuvent se sentir isoler, (…) si c’est possible de mettre ça en place, je sais pas trop comment, mais ce serait vraiment un plus (…) et si ils le veulent, ça peut être sympa si dans une même vallée, il y a trois observateurs, si ils peuvent échanger, observer ensemble, c’est toujours bien d’être à deux pour se caler et c’est assez sympa de sentir cette communauté ».
Observer ses arbres, un moment privilégié à condition d’y penser
Si toutes les deux sont d’accords pour dire que cette visite à leurs arbres est un moment de bien-être privilégié, elles révèlent tout de même qu’à la fin de chaque saison émane un sentiment de soulagement. En effet, dans les périodes où leurs emplois du temps sont chargés, il faut penser à prévoir un petit moment pour aller observer les arbres et ne pas rater un stade. Nicole nous dit : « ce n’est pas une corvée, c’est un plaisir mais parfois quand je suis très occupée c’est difficile de trouver le temps (..) il faut que je sois vigilante pour ne pas rater un moment ». Ce point a d’ailleurs auparavant déjà été soulevé par d’autres phénoclimeurs qui exprimaient le besoin d’avoir un rappel régulier au cours de la saison mais aussi et surtout en début de saison pour ne pas oublier de commencer les tournées, d’autant plus lorsqu’ils observent plusieurs espèces dont le calendrier phénologique est décalé. Cette fonctionnalité de rappel sera désormais possible en utilisant la plateforme SPOT qui hébergera Phénoclim. Ainsi, chaque participant pourra activer un système de rappel par notification pour ses arbres.
Pour terminer, nous avons demandé à Marie-Geneviève et Nicole quels conseils elles donneraient à un acolyte qui démarre le programme. Voici ce qu’elles nous ont répondu :
- Marie-Geneviève : « Je dirais d’avoir une paire de jumelles car au début de mes observations j’ai peut-être fait des erreurs, je ne m’en suis pas rendue compte tout de suite, mais au début je regardais que les branches du bas alors qu’en haut il y avait peut-être déjà 10% et qu’en bas rien. Donc je dirais qu’il faut avoir des jumelles et bien penser à regarder tout l’arbre (…). Aussi, faire attention à l’éclairage car les jours où il fait gris et qu’on doit regarder là haut dans un arbre, on voit rien. Pour quelques arbres à la longue je savais qu’il fallait y aller plutôt en fin d’après-midi parce qu’il y a un meilleur éclairage pour voir (..) c’est pas toujours facile de voir les petits chatons, les bourgeons aussi, c’est typique de l’éclairage, si il y a un peu de vert et qu’on y va un jour où il fait gris, on n’y voit rien »
- Nicole : « Ce serait de choisir des arbres proches de la maison car moi les miens il faut monter, c’est pas directement à côté, alors si les arbres sont plus proches et plus accessibles ça sera mieux (…) je trouve aussi que les mélèzes c’est difficile à observer parce que c’est haut donc si on ne connaît pas bien la floraison, les changements, c’est difficile à suivre (…) donc si l’arbre est un peu plus petit, on peut plus facilement le voir »
On espère que cette petite rétrospective vous a plu. Encore merci à vous tous d’avoir fait de 2022 une belle année pour Phénoclim. Merci de partager avec nous l’intérêt pour la science, la curiosité de voir à quel rythme les choses évoluent et de prendre autant de plaisir à observer la nature. On vous dit à bientôt pour les obs printanières ?
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