Pièges photo : l’apport de l’intelligence artificielle et du grand public à nos recherches

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Pour traiter la gigantesque masse d’images fournies par les pièges photo, le CREA Mont-Blanc a développé un système hybride faisant appel à l’expertise des chercheurs, au machine-learning et à la science participative. Actuellement en phase d’expérimentation et de perfectionnement, il a déjà permis d’obtenir de premiers résultats.

Lièvre variable avec son pelage d’hiver

Découvrez l’article “Comment les pièges photo décuplent nos moyens d’observation”.

Acquérir de grandes masses de données, c’est bien. Pouvoir les traiter et les analyser, c’est encore mieux… et c’est le grand défi que pose l’utilisation des pièges photos pour l’étude de la faune de montagne. Un chiffre permet de prendre la mesure de la difficulté : les 36 appareils que le CREA Mont-Blanc a installées sur les placettes Orchamp prennent 150000 images par an, ce qui représente à ce jour plus de 400000 photos, qui doivent être stockées, et surtout décryptées, classifiées et archivées.

Détecter et identifier les animaux

Traiter la donnée, cela signifie concrètement détecter la présence ou non d’un animal sur chaque photo et ensuite identifier l’espèce à laquelle il appartient. Nous employons pour cela plusieurs méthodes. La première consiste en l’observation manuelle par nos chercheurs de toutes les images : à raison de 2000 images par heure pour un œil expert, cette solution représente un temps considérable, difficilement compatible dans la durée avec les moyens humains et financiers du CREA Mont-Blanc. C’est pour cela que nous nous sommes tournés vers une méthode d’analyse d’image automatisée grâce au machine-learning, développée par notre partenaire Devoteam Revolve. Avec cette solution, l’ordinateur identifie lui-même les animaux présents sur les photos. Mais pour y parvenir, il faut qu’il apprenne à interpréter les images et à les classer, ce qui nécessite de lui soumettre un très grand nombre de photos. « Evidemment, un ordinateur ne sait pas ce qu’est un chamois. Nous lui soumettons un premier jeu de données de référence où nous lui donnons l’information. Plus ces données sont nombreuses et variées, mieux l’ordinateur apprend, c’est cela le machine-learning », précise Anne Delestrade, directrice du CREA Mont-Blanc. Cette méthode de traitement est encore en phase de test, mais elle donne déjà des résultats encourageants. Par exemple, le simple fait de repérer les cas où il n’y a rien à voir permet d’éliminer immédiatement les deux tiers d’images où la caméra s’est déclenchée pour une autre raison (neige, vent…) que la présence d’un animal.

Wild Mont-Blanc : la plateforme participative qui permet les volontaires de nous aider à identifier les animaux dans les images issues de nos pièges photo.

L’intérêt de faire appel au public

Enfin, depuis l’année dernière, la plateforme Wild Mont-Blanc permet à tous ceux qui le souhaitent de participer au traitement des images en ligne depuis leur propre ordinateur : 5500 volontaires ont effectué plus d’un million de classifications en 2020, et une nouvelle campagne sera lancée en avril. Cette méthode participative qui correspond bien à la démarche de science citoyenne du CREA Mont-Blanc permet de sensibiliser le plus grand nombre à la recherche scientifique. Surtout, elle complète utilement le dispositif d’analyse en contribuant au perfectionnement des modèles de machine-learning. Les participants peuvent augmenter la fiabilité de la détermination sur certaines photos que l’ordinateur n’aura pas clairement identifiées ou pas bien spécifiées. Ils peuvent même aller plus loin que la machine et décrire le comportement des animaux : « L’ordinateur ne pourra que très difficilement dire si un individu mange, se déplace ou se repose. Ces informations nous intéressent pour savoir notamment si les animaux ne font que transiter dans certains milieux ou s’ils s’y nourrissent », poursuit Anne. Comme le machine-learning, la participation du public doit être évaluée afin d’analyser les erreurs et de déterminer le nombre de participants optimal pour obtenir des identifications quasi certaines. La phase actuelle consiste à affiner le modèle pour trouver le bon système mêlant ces différentes méthodes.

Premiers résultats d’analyse

Une fois le traitement des données réalisé, il reste encore à les analyser. Cette étape demande un gros travail statistique sur les données brutes pour obtenir un indice d’abondance relative, révélateur de la présence des différentes espèces sur chaque site. Celui-ci tient compte du taux de détection, lui-même impacté par les différents biais d’observation liés au comportement des animaux et aux variations du milieu. Ce travail est en cours dans le cadre de l’étude sur les grands herbivores. Les premiers résultats donnent des indications sur la manière dont les différentes
espèces fréquentent les milieux observés selon les saisons et sur leur rythme d’activité journalier. Le chevreuil est par exemple principalement contacté en forêt, le cerf surtout en forêt et en lande au printemps et l’été, et le chamois est présent partout. Cela confirme qu’il y a des chevauchements entre les espèces, ce qui est une des interrogations de l’étude. Désormais, il faut interroger ces données plus précisément, en particulier en les croisant avec les informations relatives à la végétation (indice de vert) et à l’enneigement, et voir comment les espèces animales s’adaptent dans la durée aux changements de leur environnement.

Lisez l’article d’introduction de nos suivis avec les pièges photo : “Comment les pièges photo décuplent nos moyens d’observation”.

Lisez l’article sur la Saison 1 de Wild Mont-Blanc.

Visitez le plateforme Wild Mont-Blanc et participez à la saison 2 en  avril 2021 !

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