La grenouille rousse est largement répandue en France et possède la particularité de pouvoir vivre à haute altitude, jusqu’à 2500 m dans les Alpes. Son développement étant fortement dépendant de la température, comment fait-elle pour survivre dans ces environnements froids et contraignants ?
Les grenouilles étant des animaux poïkilothermes – leur température corporelle varie en fonction de la température extérieure –, leur développement est fortement dicté par les conditions environnementales. A la fois la température et l’humidité affectent leur physiologie et leur dynamique de populations. Dans les zones tempérées, l’augmentation des températures de l’air et de l’eau au printemps favorisent l’initiation plus précoce de certains comportements, incluant la sortie d’hibernation et l’initiation des activités reproductives telles que le chant des mâles. Cependant, d’autres facteurs tels que la densité de population, la compétition, les ressources alimentaires ou encore les réserves énergétiques de l’oeuf (vitellus) peuvent aussi affecter la croissance et le développement des individus.
En altitude, les populations subissent des températures plus faibles, une saison de végétation réduite et une réduction de la disponibilité en ressources en comparaison des populations de plaine. Face à cela, quelles adaptations mettent en place les sous-populations d’altitude pour se développer dans un environnement plus contraignant ? Leur durée de développement est-elle allongée du fait des plus faibles températures ? Ou bien observe-t-on l’inverse, et donc un raccourcissement, du fait d’une saison de végétation plus courte nécessitant un développement rapide ?
Les suivis de la phénologie de la grenouille rousse
Depuis 2009, le CREA Mont-Blanc réalise un suivi annuel de la phénologie de la grenouille rousse dans des mares situées à Vallorcine (~1300m) et à Loriaz (~1900m). Les mares sont visitées toutes les semaines de mars à août et, selon l’avancement dans la saison, le nombre d’amas de ponte est compté ou bien le stade de développement des têtards est noté. De fortes variations inter-annuelles quant aux dates de ponte et aux durées de développement des têtards ont été observées à chaque altitude (données à explorer ici).
Les grenouilles commencent à pondre juste après la fonte de la neige
D’’après nos données, nous observons un retard de ponte en altitude qui s’explique par la fonte de la neige plus tardive. En effet, que ce soit à basse ou à haute altitude, la date de ponte des grenouilles est fortement dépendante de la date de fonte de la neige. En moyenne, sur la période 2009-2019, les grenouilles pondent 18 à 22 jours après la date de fonte, respectivement à Vallorcine et à Loriaz. Qui plus est, plus la date de fonte est tardive plus l’écart entre la date de fonte et la date de ponte diminue. Ceci s’explique par le fait que si la date de fonte est tardive, alors la saison de croissance est raccourcie et les grenouilles doivent pondre rapidement pour que les têtards arrivent au terme de leur développement.
Un développement plus rapide en altitude
La durée de développement des têtards (du stade 1 au stade de grenouillette) est plus courte en altitude (-26 jours à Loriaz par rapport à Vallorcine, toutes années confondues). Les figures ci-dessous permettent de visualiser cette différence de vitesse de développement.
Face à la réduction de la période de végétation et aux ressources moins disponibles en altitude, les grenouilles de Loriaz (~1900m) ont moins de temps pour se nourrir et accumuler les réserves dont elles ont besoin pour survivre en hiver. Un développement rapide à de faibles températures tendrait ainsi à compenser les contraintes de l’altitude, et permettre aux têtards d’atteindre le stade de grenouillette avant le retour de la neige, à une taille et un poids plus faible qu’à basse altitude cependant.
Développement des têtards en 2010, 2011 et 2016, à Vallorcine (~1300m) et à Loriaz (~1900m). Chaque point représente une mesure sur une mare. La date d’observation est indiquée en jour julien, soit le nombre de jours depuis le 1er janvier. Le stade 0 correspond à la ponte. Le stade 6 correspond à la grenouillette.
Comme nous l’avons vu ici, la phénologie des grenouilles est fortement dépendante des conditions environnementales et le changement climatique a donc un fort impact sur cette espèce. Pour en savoir plus sur la vulnérabilité de la grenouille rousse en réponse au changement climatique, rendez-vous ici !
Projet financé avec le concours de l’Union européenne. L’Europe s’engage sur le Massif Alpin avec le Fonds Européen de Développement Régional.
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