Pollinisation de l’Ophrys araignée : quand le climat s’en mêle

L’apparition des évènements saisonniers chez les êtres vivants (date de floraison, date de ponte, etc.) est étroitement liée aux variations saisonnières du climat. Sur le long terme, le changement climatique peut provoquer des décalages temporels de ces événements et engendrer une désynchronisation entre espèces qui interagissent, mettant ainsi en péril une ou plusieurs espèces. Voici un exemple éloquent : la pollinisation d’une orchidée par une abeille sauvage.

Une abeille solitaire, Andrena nigroaenea, tentant de s’accoupler avec une orchidée, Ophrys sphegodes. © Keith DP Wilson. Licence CC BY-NC 2.0

Les différentes relations entre plantes et pollinisateurs

Les relations qu’entretiennent les plantes et leurs insectes pollinisateurs sont généralement bénéfiques pour les deux parties (on parle de mutualisme). L’insecte participe à la reproduction des plantes en transportant le pollen des organes de reproduction mâle d’une fleur vers les organes de reproduction femelles d’une autre fleur, et en échange la plante offre une récompense sucrée à l’insecte : le nectar.

Entre 4 et 6% des plantes arrivent à attirer les pollinisateurs sans fournir de nectar en échange. Les fleurs de ces plantes y parviennent en reproduisant la forme d’un partenaire sexuel et/ou en émettant des phéromones particulièrement attractives pour un insecte mâle croyant sentir le fumet irrésistible d’une potentielle partenaire. Une fois attiré, l’insecte tente de copuler avec la fleur et rentre en contact avec les sacs polliniques (contenant le pollen) qui s’accrocheront sur son corps.

Quel avantage pour l’insecte mâle ? strictement aucun, mais il ne perd rien pour autant ! On parle de commensalisme pour ce type d’interactions en êtres vivants : la relation bénéficie à un des partenaires (la plante) sans défavoriser le second (l’insecte).

La tromperie de l’Ophrys araignée

L’Ophrys araignée (Ophrys sphegodes) est une orchidée qui pratique ce genre de tromperie. Cette plante protégée se retrouve en France jusqu’à une altitude de 1000 mètres. Elle est essentiellement pollinisée par le mâle d’une espèce d’abeille sauvage : l’Andrène noire-bronze (Andrena nigroaenea).

Les mâles de cette espèce d’insecte émergent plusieurs jours avant les femelles. C’est à ce moment précis, avant que les femelles n’aient émergé, que l’Ophrys araignée fleurit et leurre les mâles naïfs et en manque d’affection.

Changement climatique et pollinisation de l’Ophrys araignée

Le changement climatique influence le rythme saisonnier des êtres vivants (les participants au programme Phénoclim peuvent s’en rendre compte). C’est le cas pour l’Ophrys araignée et l’Andrène noire-bronze, mais dans des proportions bien différentes. Au cours des trois derniers siècles, la période d’activité de l’andrène a avancé de 10-15 jours alors que la floraison de l’orchidée a avancé de « seulement » 6 jours.

En conséquence, les femelles d’andrène émergent désormais avant la floraison de l’orchidée. Elles attirent les mâles qui perdent leur naïveté et ne visiteront pas les orchidées. Sans transport de leur pollen, l’orchidée n’est plus pollinisée, la reproduction ne peut donc pas avoir lieu, et l’espèce devient menacée !

Cette configuration problématique pour l’orchidée a lieu dans la plupart des années de la période 1961-2014 (80% des années) alors qu’elle était beaucoup moins fréquente (40%) sur la période 1659-1710. D’après les auteurs de cette étude (EN), le réchauffement en cours devrait encore augmenter la fréquence des années au cours desquelles cette orchidée souffrira d’un échec complet de reproduction. A moins qu’un autre insecte s’intéresse à elle ? 

Changement climatique et pollinisation des plantes

Peu de plantes (comme Ophrys araignée) dépendent d’une ou de seulement quelques espèces de pollinisateurs. Les plantes sont généralement visitées par de nombreux pollinisateurs différents limitant les risques décrits ci-dessus.

Quelques études ont évalué le risque de désynchronisation entre la floraison des plantes et le pic d’activité des pollinisateurs dont elles dépendent. Elles montrent que ces évènements répondent de façon identique face au changement climatique : la période de floraison et d’activité des pollinisateurs avancent dans la saison, dans des proportions similaires. L’exemple de l’orchidée araignée serait donc l’exception qui confirme la règle ?

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus sur les effets du changement climatique sur la faune et la flore, c’est ici !

Pour participer à l’étude de l’évolution des saisons, inscrivez-vous à Phénoclim

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *