Lors du Science Sandwich du 30 Avril, Jean-Baptiste Bosson, d’ASTERS, glaciologue de formation et actuellement coordinateur du réseau Lacs Sentinelles, est venu nous parler de glaciers fondus, les lacs d’altitude.
Qu’entend-on par « lac d’altitude » ?
Un lac d’altitude est une étendue d’eau de plus de 3 m de profondeur et d’une superficie supérieure à 0,5 ha, située conventionnellement à plus de 1800 m d’altitude. Il en existe actuellement plus de 600 dans les Alpes françaises.
Les lacs d’altitude apparaissent et disparaissent naturellement en fonction des phénomènes physiques présents en montagne. Les glaciers en érodant la roche, forment des cuvettes où s’installent ces lacs. Certains sont aussi formés par des barrages naturels ou anthropiques (artificiels), mais ils sont une minorité. Les lacs sont approvisionnés en eau et en sédiments par leur bassin versant. Leur disparition est provoquée par une accumulation de sédiments provenant des montagnes en amont. Faites donc vos adieux aux lacs bleu turquoise dont la couleur signifie qu’ils sont en phase de sédimentation. Cependant, avec les changements globaux, les glaciers fondent, et nous observons une augmentation du nombre de lacs. En Suisse, on attend plus de 500 nouveaux lacs de plus de 1 ha, d’ici à la fin du siècle.
Une écologie très particulière
De nombreuses particularités les distinguent des lacs de plaine. Leur bassin versant, escarpé et peu végétalisé, peut entraîner une plus grande sédimentation que dans les lacs de plaine. Pour la même raison, les alluvions sont faiblement chargés en nutriments. C’est ainsi que la majorité des lacs d’altitude présentent une faible eutrophisation (processus d’accumulation, parfois à l’excès, de nutriments tels que le phosphate et l’azote). Recouverts de glace durant plus de la moitié de l’année, l’oxygène et la luminosité y sont très faibles en hiver. Enfin, une grande variation de température au cours de l’année entraîne des brassages de la colonne d’eau et donc une circulation des nutriments et une ré-oxygénation du lac. En effet, l’eau froide, plus dense que l’eau chaude, s’enfonce dans les profondeurs. Comme ces lacs sont peu oxygénés en hiver et pauvres en nutriments, ces brassages sont essentiels à la vie des espèces. Seules quelques espèces, notamment de planctons sont adaptés à ces conditions difficiles. Les lacs d’altitude ont donc une dynamique dépendante d’un climat spécifique et possèdent un réseau trophique (ensemble de chaines alimentaires dans un milieu) relativement simple par rapport aux lacs de plaine, ce qui les rend fragiles.
Des lacs sous pression
Les changements globaux sont bénéfiques à ces lacs dans une certaine mesure, puisqu’ils en augmentent le nombre. Cependant, en diminuant la durée annuelle de couverture en glace et en augmentant leur température moyenne, ils réduisent aussi le nombre de lacs ayant un englacement saisonnier et des eaux froides comme les lacs d’altitude. Ceci est d’autant plus vrai que les lacs d’altitude se sont réchauffés plus vite que les lacs de plaine, respectivement de 0,48°C et 0,34°C en moyenne par décennie (cf. O’reilly et al., 2015, Geophysical Research Letters).
Plus localement, l’utilisation des terres, les émissions atmosphériques avoisinantes et l’alevinage pour la pêche sont les principaux facteurs influençant les lacs. La présence de poissons dans ces écosystèmes qui en sont naturellement dépourvus induit un maillon trophique supplémentaire, que la faible productivité des lacs peine parfois à supporter. Les poissons peuvent alors surconsommer les planctons, entraînant un effondrement du réseau trophique, et donc une mort des poissons également. Certains lacs sont plus affectés que d’autres, comme par exemple le lac du Brévent qui s’eutrophise, à l’inverse du lac Jovet.
Le réseau « Lacs sentinelles »
Il est essentiel de continuer l’étude de ces lacs afin d’en savoir plus sur les menaces qui pèsent sur eux et savoir ainsi comment les protéger. Un exemple est le nombre croissant de baigneurs (et de la quantité de crème solaire !).
Une équipe multidisciplinaire du projet « lacs sentinelles » suit une vingtaine de lacs d’altitude dans les Alpes françaises. Les lacs étant de véritables archives, nous pouvons analyser leur histoire dans leurs sédiments. Les scientifiques ont par exemple retrouvé des traces de l’arrivée des Hommes (et du bétail) dans nos montagnes, de l’interdiction du plomb dans l’essence ou des essais nucléaires ! Le réseau Lacs Sentinelles a démarré en 2009-2010 et les échanges entre les différents acteurs n’ont fait que s’accélérer depuis. Les objectifs du réseau sont avant tout de mieux connaître ces milieux, de communiquer et échanger les connaissances entre les différents acteurs. Mieux comprendre les menaces qui pèsent sur ces lacs permettra à terme, de savoir comment mieux les gérer et de définir les mesures à mettre en place pour les préserver.
N’hésitez pas à vous renseigner sur les activités grand public du projet « lacs sentinelles » sur le site du réseau http://www.lacs-sentinelles.org/
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