Essor des sciences participatives, nouvelles possibilités offertes par le numérique, place de la science… Si tout n’a pas été simple durant ces deux mois de confinement, le CREA Mont-Blanc a pu continuer à faire avancer ses projets malgré le contexte dégradé et l’ampleur inédite de la crise. De cette période difficile, nous tirons plusieurs enseignements et réflexions pour aujourd’hui et pour demain. Et même des bonnes nouvelles !
Un élan pour les sciences participatives
La première observation est une bonne nouvelle : nous faisons le constat d’un intérêt accru du public pour les sciences participatives, qui sont au cœur de notre démarche. Le principal programme de sciences participatives du CREA Mont-Blanc, Phénoclim, a ainsi vu 94 nouvelles inscriptions d’observateurs bénévoles entre le 17 mars et le 11 mai. C’est environ 5 fois plus que ce qui avait en moyenne été enregistré sur cette période les années précédentes. Ces inscriptions concernent en quasi-totalité (87) des particuliers, et sont situées pour plus de la moitié dans le massif Central. Dans le même temps, le nouveau programme d’observation de photos Wild Mont-Blanc (lire article), lancé le 15 avril, a attiré depuis plus de 4400 personnes qui ont classifié 850000 photos. D’autres organismes engagés dans les sciences participatives, comme Vigie Nature ou la Ligue de protection des oiseaux, ont noté des tendances similaires. Que ce soit pour observer les oiseaux ou les arbres dans son jardin (Phénoclim) ou des animaux sur son écran (Wild Mont-Blanc), cet engouement montre que les sciences participatives ont su proposer des expériences de nature stimulantes, à un moment où il n’était pas possible de sortir de chez soi et où de nombreuses personnes avaient plus de temps. « C’est une bonne nouvelle, se réjouit Colin Van Reeth, chargé de projets sciences participatives au CREA Mont-Blanc, parce que plus le nombre de sites d’observation augmente, plus la précision de nos analyses et de nos modèles est fine. Le grand enjeu pour nous est maintenant de parvenir à fidéliser ces personnes et de les inciter à rester actives. »
De nouvelles organisations grâce au numérique
Quoi qu’il en soit, cette tendance a été rendue possible par la performance des outils numériques qui permettent de noter directement les observations sur des applications ou des plateformes web. Et c’est là un deuxième constat de cette période : le numérique a permis au CREA Mont-Blanc non seulement de maintenir ses activités à un rythme inchangé, mais aussi d’expérimenter de nouvelles organisations qui sans doute redéfiniront de manière durable un certain nombre d’habitudes. Un des moments forts du confinement aura été d’avoir réussi à courir le Sprint confiné, réflexion collaborative destinée à proposer des scénarios de rénovation pour l’Observatoire du Mont-Blanc avec la mairie de Chamonix. Initialement prévu sur place, ce rendez-vous avec une vingtaine de personnes de tous horizons (architectes, experts, chercheurs) a été reformaté en urgence. Les séances de travail à distance ont permis de produire 6 figures de l’Observatoire (l’ingénieur par nature, le refuge cocon, le modeste, le salon de thé, l’avant-poste éclairé, le InAndOut). « Il faut maintenant les mélanger, les confronter à la réalité et aux contraintes, mais il y a des envies et des propositions qui ont émergé de personnes qui ne se connaissaient pas forcément, explique Irène Alvarez, directrice des programmes du CREA Mont-Blanc. Le confinement nous a montré qu’à condition d’avoir les bons outils, il est possible pour une structure comme la nôtre, éloignée des centres de décision et de réflexion, d’organiser de telles démarches collectives avec des participants dispersés géographiquement. Nous serons de plus en plus amenés à nous intégrer à des systèmes hybrides combinant présentiel et travail à distance. C’est essentiel pour associer plus de gens et élargir nos horizons de territoires de montagne reculés. »
Mettre la science à sa juste place
La dernière observation, enfin, est plus une réflexion prospective sur la place de la science dans notre société. La gestion de la crise sanitaire a illustré l’importance et l’utilité d’inclure la connaissance scientifique dans les processus de décision, qui est une conviction fondamentale et une raison d’être du CREA Mont-Blanc. Cela fait écho aux actions que nous menons localement auprès des acteurs du territoire, notamment pour réfléchir à l’adaptation au changement climatique. « Nous espérons que cette tendance constatée dans le domaine sanitaire se généralisera sur les enjeux environnementaux, analyse Irène Alvarez. Cela a commencé au niveau international avec le GIEC, et c’est ce que nous vivons à notre échelle dans le dialogue que nous avons avec les décideurs locaux dans le cadre d’AdaPT Mont-Blanc. Nous devons aller plus loin, en prenant garde que chacun joue son rôle à la place qui est la sienne : le scientifique met à la disposition du décideur des connaissances validées par les pairs et résultant de processus longs. Il éclaire ainsi la décision, mais ne peut pas et ne doit pas se substituer au décideur, qui se situe dans une temporalité et dans une responsabilité différente. »
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