Science Sandwich : A la découverte du Monde sous nos pieds

Classé dans : La recherche en cours | 0

Le sol est un milieu méconnu qui attire peu d’intérêt. Monde caché, petit, sale… Pourtant on estime que 80% de la biodiversité animale vit dans le sol. Et quelle diversité ! Diversité de couleur, de forme, de comportement, de stratégie de vie… Les espèces du sol, la pédofaune, se sont adaptées de façon extraordinaire à ce milieu particulier, et sont indispensables à la vie sur terre. Malgré cela, les sols sont menacés. Je vous invite à découvrir ce milieu et à le protéger.

La biodiversité des sols

Bien qu’à première vue un sol ne parait pas très intéressant, c’est un environnement qui grouille de biodiversité. Vous est-il déjà arrivé de soulever une planche ou un rondin de bois ? Vous avez dû apercevoir de nombreuses bestioles. Ces espèces font partie du groupe des macro-invertébrés: des invertébrés que l’on peut voir à l’œil nu (scarabée, fourmis, limace, araignée…). Ceux que vous ne voyez pas, ou difficilement, sont les meso-invertébrés, ils font moins de 2 mm. On y retrouve les Collemboles avec leur furcula qui leur permet de faire des bonds énormes, et les acariens et Oribates qui font partie de la classe des arachnides. Ensuite, les micro-invertébrés comprennent le groupe des nématodes, qui sont des vers microscopiques. Et enfin, le sol est l’habitat d’un grand nombre de microbes, champignons et bactéries. On estime à plus d’un millier le nombre d’espèces d’invertébrés et à plus de 5000 le nombre d’espèces de bactéries et champignons présentes dans un mètre carré de sol forestier tempéré.

Espèces – traits – fonctions

Afin d’étudier ces nombreuses espèces, si petites et cachées, les scientifiques utilisent une approche, appelée « l’approche par traits ». Un trait est une caractéristique mesurable sur un individu dont la mesure est identique chez tous les individus d’une même espèce. Par exemple, tous les individus d’une même espèce ont une taille comprise entre une certaine valeur et une autre. On peut aussi noter la présence d’aile, la longueur des antennes…

Les traits servent à mieux comprendre l’environnement dans lequel les espèces vivent. En effet, bien qu’il soit relativement facile d’observer les habitudes de vie d’un mammifère, il n’en est pas de même pour des espèces minuscules vivant dans la terre ! Par exemple, nous utilisons les traits tels que la couleur du corps et la taille des yeux pour déterminer la profondeur à laquelle un Collembole vit. Un Collembole blanc aux yeux atrophiés vit en profondeur à l’inverse d’un Collembole coloré aux yeux développés. Également, une araignée à longues pattes sera plutôt une chasseuse active alors qu’une autre à pattes raccourcies chassera à l’affut. Les espèces du sol ont des valeurs de trait variées, et ce sont l’ensemble de leur traits qui détermine leur niche écologique, c’est à dire l’environnement nécessaire à leur survie. Comme un jeu de « tétris », les espèces cherchent à combler au maximum les niches disponibles d’un écosystème afin de limiter la compétition entre elles.

Un Collembole. Photo : Gilles San Martin , flickr.com

Les traits permettent aussi de connaitre le régime alimentaire des espèces. On peut notamment connaitre l’alimentation d’une espèce en regardant ses pièces buccales. A-t-elle une trompe pour sucer de la sève, ou des chélicères puissants lui permettant de tuer des proies ? Ainsi nous pouvons reconstruire tout le réseau trophique d’un sol et en connaitre plus sur son fonctionnement.

L’ensemble des traits des espèces d’un écosystème détermine ses fonctions. La fonction d’un écosystème peut être la productivité forestière (production de bois), la filtration de l’eau, et plus particulièrement dans les sols, la décomposition de la litière. L’ensemble des organismes du sol participe à ce processus. S’ils n’étaient pas là, nous croulerions sous les feuilles mortes et les excréments ! Les feuilles mortes sont les principales composantes de la litière et leurs propriétés chimiques et physiques sont dépendantes de l’espèce qui les a produite. Les organismes sont adaptés pour s’alimenter de différents composés chimiques et de certains types de litière. Une litière de résineux sera dominée par les champignons et les oribates qui ont les capacités de dégrader ces matières difficiles, alors que les litières de feuillues seront dominées par les bactéries et Collemboles. Les microbes sont les premiers à s’attaquer à la litière fraiche grâce à leurs enzymes qui altèrent celle-ci et la rend accessible aux invertébrés. Ces derniers vont fragmenter la litière apportant de nouvelles surfaces accessibles aux microbes et ainsi de suite. C’est l’ensemble de ces organismes, appelés détritivores et décomposeurs, qui permettent alors de transformer la litière jusqu’à libérer dans leurs excréments des nutriments assimilables par la végétation. Les prédateurs permettent de réguler l’ensemble de ces espèces afin de maintenir une place à chacune. Les lombrics, quant à eux, mixent le sol et sont indispensables à l’activation et au déplacement de certaines bactéries. Une grande diversité végétale augmente donc la diversité animale, et en sens inverse, une grande diversité animale est nécessaire au renouvellement des nutriments du sol et donc à la croissance de la végétation.

L’association de la composition des espèces, du climat et de la roche mère crée la structure du sol. Les sols tempérés sont caractérisés par des couches de litières d’épaisseurs moyennes où se distinguent, en surface la litière fraiche, puis plus en profondeur, la litière fragmentée, puis l’humus et enfin la matière minérale. L’activité des organismes est diminuée en milieux boréaux à cause du froid et de la litière récalcitrante produite par les conifères. La couche de litière est donc épaisse car elle se dégrade lentement. Dans ces milieux, les feux de forêt à échelle et fréquence naturelle sont bénéfiques car ils permettent un retours des nutriments au sol et favorisent donc le renouvellement des forêts. Cependant, des coupes fréquentes appauvrissent le sol. En milieu tropical où l’activité des organismes est très rapide, les cendres provenant des feux sont très rapidement dégradées, puis lessivées (drainées) avant que la végétation ne se soit suffisamment développée pour les absorber. Le fonctionnement du sol et les espèces de ces forêts ne sont donc pas adaptés aux feux et leur récupération est très difficile.

Nous retrouvons donc une grande diversité d’espèces dans les sols qui ont chacune une fonction particulière. Ces espèces, associées au climat et à la roche mère, mais aussi aux activités humaines, déterminent le fonctionnement d’un sol.

Menaces et préconisations

Photo : Jack Dykinga (http://www.ars.usda.gov)

Malgré leur importance capitale pour la provision de fonctions essentielles telles que la fertilisation et la productivité végétale, les sols sont menacés. En effet, les espaces bétonnés ne cessent d’augmenter, l’agriculture intensive privilégiant des cultures mono-spécifiques, la mécanisation des pratiques et l’utilisation de pesticides, détruit les sols. Nous observons un phénomène de désertification, même dans les campagnes françaises, où les sols sont dépourvus d’organisme, et sur lesquels rien ne pousse sans être sous perfusion d’intrants. Dans certains cas, nous pouvons même observer des terres traversées de tranchées formées par des phénomènes d’érosion.

Afin de protéger les sols, que vous soyez agriculteur ou jardinier, vous pouvez bannir certaines pratiques et en privilégier d’autres. Premièrement, le labour est à proscrire. Celui-ci détruit le mycélium des champignons et tue de nombreux organismes. La destruction de la structure du sol et l’enfouissement des couches organiques superficielles perturbent le fonctionnement naturel du sol, le rend dépendant d’une fertilisation supplémentaire et peut le rendre susceptible à l’érosion. Deuxièmement, pour éviter l’érosion du sol et augmenter les habitats et les sources de nourriture pour les organismes, un sol ne doit jamais être nu. Celui-ci doit être recouvert de végétation, de paillage ou de mulch, et associé à une fertilisation telle que du fumier ou du compost, à adapter selon le sol et les cultures. Ce couvert empêche également la prolifération des adventices (« mauvaises herbes »). Pour stimuler les organismes, optimiser l’espace et profiter du mutualisme (relations bénéfiques) entre les espèces, il est conseillé de favoriser le mélange d’espèces. Les mayas utilisaient, par exemple, le système milpa associant maïs, haricot et courge. Le maïs offre support et protection au haricot et à la courge, le haricot fertilise le sol grâce à sa symbiose racinaire avec des bactéries fixatrices d’azote atmosphérique, et la courge recouvre le sol. Attention cependant aux espèces qui se nuisent, notamment par des phénomènes d’allélopathie par lesquels une espèce sécrète des composés défavorables à d’autres espèces, comme il est probable entre les liliacées (oignons) et les fabacées (haricots). Diversifiez également les milieux autours de votre potager. Les mares, tas de bois, fourrés et prairies sauvages sont des refuges pour de nombreux auxiliaires du jardin qui pollinisent ou régulent les nuisibles du potager, tels le hérisson et les abeilles.

Système milpa

Le mot de la fin

Aucune loi ne protège les sols, et ceux-ci sont en train de mourir. Ils sont pourtant un réservoir de biodiversité, des puits de carbone et notre source de nourriture. Il est primordial de repenser nos pratiques afin de maintenir des sols vivants qui, en équilibre, demandent moins d’entretien, et sont plus productifs et durables que des terres exploitées intensivement.


N’hésitez pas à vous informez plus sur les sols vivants ! Quelques pages sympas :

www.fao.org/3/a-i4551f.pdf

www.lappeldusol.fr/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *