Variabilité inter-individuelle : quand la différence sert l’adaptation

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Chaque individu d’une espèce est unique, il diffère toujours plus ou moins de ses congénères : c’est ce que l’on appelle la variabilité inter-individuelle. Elle permet aux écosystèmes de fonctionner et aux populations de s’adapter au changement. En écologie, où l’on travaille communément avec des moyennes, peu d’études sont consacrées à cette variabilité. Au CREA Mont-Blanc, nous nous sommes intéressés à cette question chez le mélèze.

Le mélèze est une espèce remarquable d'altitude, suivies dans le cadre du programme Phénoclim © CREA Mont-Blanc
Le mélèze est une espèce remarquable d’altitude, suivie dans le cadre du programme Phénoclim © CREA Mont-Blanc

Au sein d’une population, il existe une variabilité inter-individuelle, c’est-à-dire que les individus diffèrent entre eux. Par exemple, tous les individus n’ont pas la même hauteur. C’est cette diversité inter-individuelle qui permet le fonctionnement des écosystèmes mais aussi l’adaptation des populations à un changement. Imaginons qu’un herbivore vienne se nourrir des plantes les plus accessibles pour lui. Ce seront les plantes les plus hautes qui seront mangées, et les plus petites moins accessibles permettront à la population de survivre à la pression de sélection. La diversité inter-individuelle peut donc avoir une grande influence sur les écosystèmes et mérite toute notre attention pour mieux prédire la façon dont les espèces et des populations vont réagir face aux changements environnementaux à venir.

Écologie : moyenne VS variabilité

Il est assez courant en écologie de s’intéresser à la valeur moyenne d’une population pour une caractéristique donnée. Pour comparer la hauteur des plantes d’une même espèce entre deux sites, nous comparons le plus souvent la moyenne de ces hauteurs. Peu d’études s’intéressent à la variabilité inter-individuelle de la phénologie des arbres. Au CREA Mont-Blanc, nous nous sommes penchés ce printemps sur l’influence de l’altitude sur la variabilité inter-individuelle de la date de débourrement du mélèze. Pour cela, nous avons relevé les dates de débourrement de 30 mélèzes au Siseray (environ 1 300 m d’altitude) et 30 mélèzes à Loriaz (environ 1 900 m). Les arbres ont été choisis de façon à ce que leurs environnements locaux soient similaires à la même altitude, afin de diminuer les biais issus de la localisation.

Le mélèze : une espèce adaptée à l’altitude

L’altitude est un paramètre complexe qui représente un gradient indirect. Il regroupe de multiples informations issues de plusieurs gradients environnementaux qui varient et qui affectent directement la phénologie des arbres : la température, l’enneigement ou encore la disponibilité en nutriments. Ici, nous nous sommes penchés sur les données obtenues à partir des stations de température du CREA Mont-Blanc disposées aux mêmes altitudes que les mélèzes.

Le nombre de degrés-jour – la chaleur accumulée chaque jour nécessaire au débourrement des mélèzes – varie en fonction de l’altitude. Notre hypothèse : du fait de la plus courte saison de végétation et des pressions environnementales plus fortes en altitude qui contraignent le développement des plantes, les 30 mélèzes situés à haute altitude à Loriaz devraient tous débourrer en un temps plus court que les 30 mélèzes suivis à une altitude plus basse au Siseray.

Évolution de la somme des degrés jour en fonction du temps et distribution des dates de débourrement des mélèzes au Siseray (environ 1300 m) et à Loriaz (environ 1900 m) © CREA Mont-Blanc

Comment lire le graphique ?
Le graphique ci-dessus intègre plusieurs informations :
• La somme des degrés-jour en fonction du jour de l’année (jour julien = système de datation comptabilisant le nombre de jours depuis le 1er janvier) représenté par les courbes noire et rouge. On voit que l’accumulation des degrés-jour à Loriaz est plus tardive et plus lente qu’à Vallorcine.
• Les distributions des dates de débourrement des mélèzes à Vallorcine et à Loriaz : c’est ce qui est représenté par les histogrammes en noir et en rouge. La hauteur des barres représente la quantité d’arbres qui ont débourré chaque jour. Ainsi, à Loriaz, la majorité des arbres ont débourré autour du 116ème jour de l’année.

 

On constate que les mélèzes du Siseray, situés à basse altitude, débourrent plus tôt qu’à Loriaz. Les premiers mélèzes du Siseray débourrent autour de 75 degrés-jour alors que les mélèzes de Loriaz débourrent autour de 20 degrés-jour. Cela soulève d’autres questions : quelles pressions subissent les mélèzes de Loriaz pour débourrer sans avoir atteint le quota de degrés-jour ?

Plus de Variabilité inter-individuelle à haute altitude

Les 30 mélèzes du Siseray débourrent en 5 jours alors que les 30 mélèzes de Loriaz débourrent en 11 jours. Contrairement à notre hypothèse, la variabilité dans la date de débourrement est donc plus importante à haute altitude qu’à basse altitude. Cela semble dû à la vitesse d’accumulation des degrés-jour. Celle-ci étant plus faible à Loriaz qu’au Siseray, les arbres qui ont un seuil de température plus élevé pour débourrer ont dû attendre plus longtemps qu’en bas.

De nouveaux suivis apporteront un plus grand nombre de données et permettront sûrement de déterminer l’influence de différents gradients tels que la température ou l’enneigement sur la variabilité des dates de débourrement. Aujourd’hui, il est encore difficile de décrire des patrons écologiques robustes.

 

Rédaction : Marjorie Bison


Pour en savoir plus :

Pour mieux comprendre les notions comme « degré-jour », visitez le lexique Phénoclim.
Consultez tous les bilans saisonniers sur le site Phénoclim.

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