La fonte de la neige sous surveillance

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Une nouvelle série d’équipement a été installée à Loriaz dans le massif du Mont-Blanc. Cette nouvelle étude vise à comprendre comment les différentes espèces végétales alpines présentes sur le site influencent la vitesse de fonte de la neige au printemps. Retour sur l’installation sur le terrain cet automne et sur les objectifs scientifiques de l’étude.

 

Le site d'étude et de suivi du changement climatique du CREA Mont-Blanc à Loriaz © CREA Mont-Blanc
Le site d’étude et de suivi du changement climatique du CREA Mont-Blanc à Loriaz © CREA Mont-Blanc

 

Jeudi dernier, une partie de l’équipe du CREA Mont-Blanc (Anne Delestrade, Hillary Gerardi et Brad Carlson) avec l’aide d’un jeune bénévole américain, Will Ahl, ont installé une série d’équipements scientifiques dans le secteur de Loriaz au-dessus de Vallorcine (projet SNOWSHRUB). Il s’agissait de planter trois mats de 1.5 m dans différentes canopées végétales : une pelouse à nard raide (graminée subalpine), un genévrier, et un rhododendron, tous les trois espacés de quelques mètres et sur le même versant. Nous avons placé des capteurs de température (qui mesurent une valeur toutes les 2 heures) à -10, 0, 30, 60, 90, 120 et 135 cm par rapport au sol le long du mat et projeté à une distance de 20 cm.

Ces capteurs permettront de savoir si la température du sol au cours de l’hiver est la même dans les trois couvertures végétales. Ils permettront aussi et surtout de quantifier la vitesse du déneigement dans les trois situations.

La neige maintient une température constante autour de 0° C : elle représente un isolent thermique pour le sol. Quand les capteurs se trouvent sous une couche de neige suffisamment épaisse (environ 30 cm), ils sont parfaitement isolés et enregistrent environ 0° C tout au long de la journée. À partir de la fonte, les capteurs enregistrent à nouveau la température de l’air avec une forte variabilité pendant la journée (beaucoup plus froid à l’aube que dans l’après-midi).

Les objectifs scientifiques du projet SNOWSHRUB

Si on connait l’influence du climat et de l’utilisation des terres (le pastoralisme) sur la végétation, les effets inverses, c’est-à-dire les effets potentiels des différents types de couvert végétal sur le climat (microclimat local), et plus précisément sur le manteau neigeux, sont beaucoup moins bien compris.

Ce que l’on sait

Dans les Alpes, le changement climatique ainsi que l’abandon des activités pastorales ont favorisé l’expansion des landes (petits arbustes) dans les pelouses de montagne. Cette dynamique est particulièrement marquée dans le massif du Mont-Blanc, où la forte disponibilité en eau favorise certaines espèces comme le rhododendron et l’aulne vert.

Des études menées dans l’Arctique ont montré que la présence des arbustes, par rapport à l’herbe, ont trois conséquences :

  • ils augmentent la température du sol en hiver
  • ils influencent la structure du manteau neigeux
  • ils accélèrent le déneigement au printemps en absorbant plus de chaleur.

Sachant qu’un sol plus chaud et un déneigement plus précoce favorisent les arbustes par rapport aux espèces herbacées (en encore, ça dépend lesquelles), ces rétroactions de la végétation sur le micro-climat local pourraient accélérer et accentuer l’expansion des arbustes en montagne, davantage qu’avec le réchauffement climatique seul.

Ce que l’on cherche à savoir

Au CREA Mont-Blanc, en dehors de l’aspect recherche fondamentale, nous nous intéressons à ces questions pour mieux comprendre la dynamique de la végétation dans le massif. C’est d’autant plus important que le remplacement des prairies subalpines et alpines par les arbustes diminue la biodiversité locale et modifie fortement la qualité des ressources disponibles pour les herbivores, à la fois sauvages (chevreuils, cerfs, chamois, bouquetins) et domestiques (vaches et chèvres).

 

Le site de Loriaz, avec les mats installés dans les trois types de végétation, de gauche à droite : rhododendron, genévrier et nard raide © CREA Mont-Blanc
Le site de Loriaz, avec les mats installés dans les trois types de végétation, de gauche à droite : rhododendron, genévrier et nard raide © CREA Mont-Blanc

 

Les prochaines étapes de l’expérience

Ce projet est jumelé avec des dispositifs en cours d’installation au Col du Lautaret et dans le massif du Taillefer près de Grenoble. L’année prochaine, avec des collègues de Clermont-Ferrand, nous prévoyons d’installer des capteurs de dendrochronologie (mesure de croissance des arbres par les cernes) sur les rameaux de genévrier et de rhododendron, pour mieux cerner les liens entre les conditions climatiques d’une année à l’autre et la vitesse de croissances des arbustes.

Enfin, cet hiver il est prévu que des chercheurs du Centre d’Études de la Neige (Météo France) viennent à Loriaz pour faire des mesures de la structure du manteau neigeux dans les différents types de végétation, en lien avec les traits fonctionnels des plantes (densité et diamètre des rameaux, hauteur sous la neige, surface foliaire).

À suivre !

 

Rédaction : Brad Carlson


Pour en savoir plus

Le projet SNOWSHRUB est mené en partenariat avec la Zone Atelier Alpes (CNRS), le Laboratoire d’Ecologie Alpine (Grenoble), Geolab (Clermont-Ferrand) et le Centre d’Études de la Neige (Grenoble)

 

 

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